Mon ami Pierrot, écrivain de la vie numérique ne me prêtera plus sa plume. Le temps des pseudos est moribond. Dorian ne regarde plus Gray dans un faux miroir, il affronte son image en temps réel, il veut légitimer ses écrits ; il fait sa promo pour se révéler tel qu’il est et faire parler de lui.
Sur la vitrine du Net, Alter ne joue plus avec son Ego en se calfeutrant sous un pseudo car il se doit de répondre au désir de ses fans d’interagir en ligne et personnellement avec eux. L’ami Pierrot devient un blogueur pour narrer son expérience du récit de sa dernière production littéraire ; il fait son cinéma d’auteur à grand renfort de signature d’autographes, se fait mitrailler par les photographes pour médiatiser son image qui labellise le produit de sa création de l’esprit.
L’écrivain d’aujourd’hui est-il ainsi plus honnête à visage et nom découverts ?
Pourquoi pas, si l’on en croit Virginia Woolf qui n’a jamais usé de pseudonyme et qui affirmait que la condition fondamentale de l’auteur (de nature à le rendre fou) est de : “Ne jamais être soi-même, et pourtant l’être toujours, c’est le problème.”
L’écrivain de la vie numérique est aussi un homme de marketing ; il participe à sa téléréalité.
Jouer avec le «Je» au sein de systèmes technologiques qui font de chacun de nous potentiellement des «cybergénies naturels» peut nous ramener vers une posture plus méditative à travers le défi lancé par le projet de « l’informatique contemplative » défini par Alex Soojung-Kim Pang comme « quelque chose qu’on fait, une manière de penser et d’agir ».
Au fond, Alter peut ne plus jouer avec Ego dès lors qu’il est capable de contempler les objets de son environnement numérique et médiatique, dès lors qu’il fait usage d’un « cerveau élargi »pour continuer à inventer la construction de la construction au fondement de toute œuvre littéraire et artistique avec calme et précision ce qui contraste avec le culte de la rapidité que consacrent les nouvelles technologies de l’information et de la communication.
Au sein d’un monde d’écrans et d’interfaces hommes-machines, la question du pseudo n’est peut-être qu’un «problème de vieux cons».
Anne-Marie Champoussin
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